Contexte :
Le principe du séquestre dans le cadre d’une procédure pénale est un processus classique. Il permet que des objets et des valeurs patrimoniales appartenant à un prévenu ou à des tiers soient bloqués, notamment lorsqu’ils pourraient servir comme moyen de preuve ou comme garantie de paiement, s’agissant entre autres des frais de procédures et des indemnités ou amendes potentielles, ou encore lorsqu’ils devraient être restitués au lésé ou tout simplement confisqués.
Pour la réalisation d’actifs virtuels toutefois, des questions se posent quant aux méthodes à choisir, compte tenu de la nature particulière et potentiellement volatile de ces actifs.
Dans le cadre d’une procédure pénale dans le canton de Zürich, le Tribunal fédéral a été amené à juger d’un cas de séquestre d’actifs virtuels et a pu préciser certains principes applicables à la réalisation de tels actifs par les autorités, notamment sous l’angle du respect de l’art. 266 al. 5 CPP (Arrêt 1B_59/2021 du 10 décembre 2021).
Séquestre pénal et actifs virtuels
La procédure concernait le cas d’une personne prévenue de blanchiment d’argent, dont les avoirs en crypto monnaies qu’elle possédait auprès d’une société avaient été séquestrés par le Ministère public du Canton de Zürich. Une fois le séquestre prononcé, le Ministère public a ordonné le transfert des avoirs auprès d’une autre société, pour que celle-ci procède à leur vente et en reverse le produit pour confiscation.
La question de l’application de l’art. 266 al. 5 CPP s’est notamment posée. Celui-ci dispose que les objets et valeurs séquestrés qui sont sujets à une dépréciation rapide ou dont l’entretien est trop coûteux peuvent être réalisés en respectant les principes applicables selon la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite. Le produit d’une telle vente est lui-même frappé de séquestre.
Dans son arrêt, le Tribunal fédéral précise la portée de cet article en matière d’actifs virtuels.
Réalisation d’actifs virtuels
D’une manière générale, l’autorité pénale qui procède à la réalisation d’actifs séquestrés dispose d’une grande marge d’appréciation sur la manière de procéder, tout en étant tenue d’obtenir un résultat aussi élevé que possible. Elle doit procéder de manière appropriée, professionnelle et minutieuse et s’adjoindre les services d’un professionnel si elle ne dispose pas des connaissances nécessaires.
Dans son arrêt, le Tribunal fédéral a constaté que le Ministère public n’avait donné aucune indication précise sur la manière de procéder à la vente des actifs virtuels séquestrés. La société chargée de la vente devait seulement convertir les avoirs en francs suisses. Or, le prévenu faisait valoir que la vente trop rapide de ses actifs et leur transformation en francs suisses entraineraient une perte de valeur, puisque la réalisation n’interviendrait pas, par essence, à un moment opportun, ou ne serait effectuée ni avec la diligence nécessaire, ni avec les connaissances techniques requises. Il préconisait le principe d’une vente échelonnée sur une période suffisamment longue pour éviter des dévaluations trop importantes.
Le Tribunal fédéral a semblé accepter cette argumentation, puisqu’il a renvoyé le dossier au Ministère public pour que celui-ci précise les modalités de la réalisation des actifs virtuels séquestrés.
Conclusion
L’arrêt du Tribunal fédéral ne permet pas encore de définir de manière précise comment des actifs virtuels devraient être réalisés dans le cadre d’un séquestre. Il semble toutefois poser le principe d’une vente suffisamment espacée dans le temps pour éviter une dépréciation trop importante des actifs.
Il s’agit là d’une précision intéressante des pratiques en matière de procédure pénale, qui se doivent de trouver des réponses adaptées à l’apparition de ces nouveaux actifs. Ces questions sont appelées à être de plus en plus pertinentes lorsqu’on observe les nouveaux modes de paiement ou de spéculation apparus avec la technologie blockchain, et il est à prévoir que le Tribunal fédéral soit amené à étoffer sa jurisprudence en matière d’actifs virtuels.
L’Étude GVA law vous assiste et se tient à votre disposition pour toute question juridique relative aux actifs virtuels.