Contexte :
L’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs est un mécanisme juridique applicable en matière de construction, lorsque des défauts de paiement surviennent dans le cadre d’un chantier. Elle est utilisée lorsqu’une entreprise du bâtiment fait face à un mauvais payeur, dans la mesure où, en pratique, les moyens à sa disposition pour s’assurer le paiement de ses factures sont limités.
Il est en effet très rare que le prix d’une construction soit totalement payé d’avance. Le plus souvent, le paiement s’effectue de manière échelonnée, la dernière tranche étant versée à la fin du chantier. Il n’existe pas non plus de droit de rétention sur les matériaux employés, qui sont d’ailleurs le plus souvent intégrés à la construction et ne peuvent pas être récupérés, et la loi ne permet pas de faire inscrire une réserve de propriété sur les constructions effectuées. Enfin, il n’est pas d’usage d’effectuer des demandes de sûretés.
Le législateur a donc prévu le mécanisme de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs et l’a défini dans le Code civil suisse.
De quoi s’agit-il ?
L’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs consiste en un droit de faire inscrire au registre foncier un gage sur l’immeuble sur lequel un artisan ou un entrepreneur est intervenu, en garantie de sa créance.
En cas de non-paiement, l’artisan ou l’entrepreneur pourra, au final, faire vendre l’immeuble sur lequel l’hypothèque est inscrite, afin de se faire rembourser. À certaines conditions, il sera privilégié par rapport à d’autres créanciers qui disposent également d’un gage sur l’immeuble, le but étant que la plus-value à laquelle l’artisan ou l’entrepreneur a participé lui soit rémunérée.
Qui peut la demander ?
L’hypothèque légale des artisans ou entrepreneurs, comme son nom l’indique, peut être requise par tous « les artisans et entrepreneurs employés à la construction ou à la destruction de bâtiments ou d’autres ouvrages, au montage d’échafaudages, à la sécurisation d’une excavation ou à d’autres travaux semblables, sur l’immeuble pour lequel ils ont fourni des matériaux et du travail ou du travail seulement », selon la définition du Code civil.
Le critère déterminant repose sur le fait que l’artisan ou l’entrepreneur doit avoir fourni des matériaux et/ou du travail, se matérialisant au final dans la construction. La simple livraison de matériel ne suffit pas. Il faut que le matériel livré soit suffisamment individualisé et nécessite un certain travail afin d’être intégré à la construction, par exemple en cas de livraison de fenêtres sur mesure, de béton frais ou de fers à béton spécifiques.
L’inscription d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs peut ainsi être obtenue notamment par les entreprises de terrassement, les maçons, les installateurs sanitaires, les électriciens, les plâtriers-peintres, les charpentiers, les menuisiers, les ferblantiers-couvreurs, les carreleurs, les chauffagistes, etc.
Les sous-traitants peuvent aussi avoir le droit de requérir l’inscription d’une hypothèque légale, pour autant qu’ils remplissent les critères mentionnés ci-dessus.
En revanche, les prestations fournies par l’architecte, le géomètre ou l’ingénieur ne sont pas couvertes par l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, car leurs prestations ne sont pas matérialisées dans la construction.
Procédure
La requête en inscription de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs s’effectue auprès de l’autorité judiciaire compétente. Elle doit être introduite par l’artisan-entrepreneur ou son sous-traitant et sera dirigée contre le propriétaire du bien immobilier inscrit au registre foncier.
L’objet de l’hypothèque est l’immeuble sur lequel les travaux ont été effectués. Il pourra s’agir notamment d’un bien-fonds ou d’une part de propriété par étages.
Si les conditions sont réunies, l’autorité judiciaire ordonnera l’inscription de l’hypothèque, qui devra alors être requise auprès du registre foncier compétent.
L’inscription de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs doit impérativement être obtenue au plus tard quatre mois après l’achèvement des travaux. La fin des travaux correspond au moment où l’artisan ou l’entrepreneur a effectivement terminé les travaux dont il était chargé, indépendamment des éventuelles retouches à effectuer. La date d’établissement de la facture finale ne correspond pas nécessairement à la date d’achèvement des travaux, même si elle peut en constituer un indice.
Le délai de quatre mois est extrêmement court et la date d’achèvement des travaux peut souvent s’avérer difficile à déterminer. En pratique, il est donc courant de déposer dans un premier temps une requête de mesures provisionnelles, voire superprovisionnelles, afin que l’hypothèque soit inscrite au registre foncier de manière provisoire, avant la fin du délai de quatre mois. Une procédure au fond en inscription définitive est ensuite entamée dans un second temps.
L’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs est un outil efficace pour accroître les chances d’obtenir le paiement de ses prestations. Elle permet, au final, d’obtenir une garantie de paiement concrète sur un bien immobilier. Sa mise en œuvre peut toutefois s’avérer délicate, notamment au vu du délai applicable et de la procédure à suivre. Il est donc impératif d’effectuer toutes les démarches nécessaires à temps.
GVA law vous assiste dans le cadre des contentieux en matière de construction. Nos avocats se tiennent à votre disposition pour toute question.