Contexte :
La taxe d’équipement, au niveau fédéral et à Genève, est une contribution financière que les collectivités, en particulier les communes, peuvent réclamer aux propriétaires fonciers, lorsqu’elles procèdent à l’équipement des terrains de ces derniers en application de la loi. Il s’agit typiquement d’aménager des voies d’accès aux terrains, ainsi que des conduites d’eau, y compris pour l’évacuation des eaux usées, et des conduites d’électricité. Elle est due, en principe, à la communes concernée par les travaux envisagés.
Le principe de l’équipement des terrains par les collectivités est régi par le droit fédéral, en particulier par la loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT). En revanche, la participation financière des propriétaires fonciers à l’équipement de leurs terrains, soit la possibilité pour les collectivités de prélever une taxe d’équipement, est réglée par le droit cantonal. Malgré cela, la taxe d’équipement n’en demeure pas moins soumise aux principes généraux du droit fédéral en matière de taxes.
Ce système a donné lieu à plusieurs jurisprudences du Tribunal fédéral, en relation avec le Canton de Genève, abordées en partie ci-dessous.
Droit applicable à la taxe d’équipement à Genève
Selon le droit fédéral, un terrain est « équipé » lorsqu’il est desservi de manière adaptée à l’utilisation prévue par des voies d’accès et par des conduites auxquelles il est possible de se raccorder sans frais disproportionnés pour l’alimentation en eau et en énergie, ainsi que pour l’évacuation des eaux usées (art. 19 al. 1 LAT).
La loi prévoit que les collectivités intéressées doivent équiper le terrain dans le délai prévu par le programme d’équipement, si nécessaire de manière échelonnée (art. 19 al. 2 LAT). Si la collectivité concernée ne procède pas à l’équipement de ses zones à bâtir dans les délais prévus par son programme d’équipement, elle doit alors permettre aux propriétaires fonciers qui le souhaitent d’équiper eux-mêmes leur terrain, tout en respectant les plans prévus à cet effet, ou d’avancer les frais des travaux d’équipement, le tout selon le droit cantonal en vigueur (art. 19 al. 3 LAT).
D’une manière générale enfin, les cantons règlent eux-mêmes la participation financière des propriétaires fonciers, soit le droit applicable en matière de taxes d’équipement (art. 19 al. 2 LAT).
Principes généraux en matière de taxe d’équipement
La taxe d’équipement est une charge dépendante des coûts engagés. Elle est donc une contribution causale (également appelée charge de préférence). À ce titre, elle doit respecter plusieurs principes applicables en la matière, notamment les principes de causalité, d’équivalence et de couverture des frais.
1) Principe de causalité
Le principe de causalité implique qu’une taxe causale doit trouver sa contrepartie dans un avantage particulier appréciable économiquement, accordé par l’État à un contribuable déterminé. Elle repose ainsi sur une contre-prestation étatique. La taxe d’équipement en particulier constitue une participation aux frais d’installations supportés par la collectivité publique dans l’intérêt général, qui est mise à la charge des personnes qui en retirent un avantage économique particulier (ATF 131 I 313 ; ATF 122 I 305). Une taxe d’équipement doit donc correspondre à une contrepartie fournie par la collectivité publique dont peut bénéficier le débiteur de la taxe.
2) Principe d’équivalence
Selon le Tribunal fédéral, le principe d’équivalence peut être considéré comme l’application du principe général de proportionnalité en matière de contributions publiques. Le montant de la contribution exigée d’un administré doit être en rapport avec la valeur objective de la prestation fournie à celui-ci. Il doit s’agir d’un rapport d’équivalence individuelle. La valeur de la prestation fournie par la collectivité doit être mesurée par rapport à son utilité pour le contribuable, soit à son coût par rapport à l’ensemble des dépenses administratives en cause. Il est possible de recourir à des moyennes d’expérience ou à un certain schématisme pour établir le montant d’une taxe d’équipement, mais des critères objectifs doivent être utilisés. En outre, l’administration ne saurait créer des différences qui ne seraient pas justifiées par des motifs pertinents (Arrêt 2C_226/2015 du 13 décembre 2015, c. 4.1 ; ATF 128 I 46 c. 4a ; arrêt 2C_768/2007 du 29 juillet 2008, c. 3.2).
3) Principe de la couverture des frais
Le principe de la couverture des frais implique que le produit global des contributions ne doit pas dépasser, ou seulement de très peu, l’ensemble des coûts supportés par l’administration, y compris, dans une mesure appropriée, les provisions, les amortissements et les réserves. Des réserves financières constituées par l’administration ne sont pas interdites en soi, mais elles violent le principe de la couverture des frais lorsqu’elles ne sont plus justifiées objectivement, car elles excèdent les besoins futurs prévisibles estimés avec prudence par l’administration considérée (Arrêt 2C_226/2015 du 13 décembre 2015, c. 5.1 ; ATF 135 I 130, c. 2 ; ATF 126 I 180, c. 3a/aa ; ATF 124 I 11, c. 6c).
En matière de taxe d’équipement, chaque type d’équipement est en principe examiné de manière séparée (p. ex. : les routes, trottoirs, places de parc, eau, énergie, égouts ou déchets). Il est toutefois possible de regrouper ces équipements en un seul poste relatif à l’équipement global du terrain (Arrêt 2C_226/2015 du 13 décembre 2015, c. 5.1 ; ATF 126 I 180, c. 3b/cc ; arrêt 2C_404/2010 du 20 février 2012, c. 6.5).
La taxe d’équipement à Genève – droit cantonal
1) Principe et montant de la taxe d’équipement
La taxe d’équipement à Genève est régie par la loi générale sur les zones de développement (LGZD), ainsi que par son règlement d’application (RGZD), dans leur teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017.
La taxe d’équipement est définie par la législation genevoise comme une contribution des propriétaires (ou des superficiaires, le cas échéant) aux coûts de réalisation, de modification ou d’adaptation des voies de communication publiques, en particulier lorsque celles-ci sont prévues par des plans localisés de quartier (art. 3A al. 1 LGZD).
La taxe d’équipement est due lorsqu’un projet fait l’objet d’une autorisation définitive de construire et doit être fixée en fonction de l’importance des constructions projetées. Elle est payable par le propriétaire du terrain sur lequel le projet doit être érigé, mais ne doit en aucun cas dépasser 2,5% du coût de la construction autorisée (art. 3A al. 2 LGZD).
La législation genevoise prévoit un système de taxe d’équipement forfaitaire, basé sur la surface brute de plancher autorisée du terrain à équiper. La taxe correspond ainsi à un montant par mètre carré de surface brute de plancher, qui est arrêté, par le Conseil d’État, dans le règlement d’application de la loi et doit être revu tous les 5 ans. Ce montant doit correspondre au 75% des coûts moyens d’équipement des projets de développement, à l’échelle du canton (art. 3A al. 3 LGZD).
À l’heure actuelle, le montant arrêté par le Conseil d’État genevois, depuis le 1er février 2017, est de CHF 47.- par mètre carré de surface brute de plancher à créer (art. 11 al. 2 RGZD).
2) Obligation d’équiper et conséquences d’une défaillance de la collectivité
La commune concernée doit effectuer les travaux d’équipement d’une parcelle faisant l’objet d’une autorisation de construire, au plus tard à l’ouverture du chantier, et les terminer à l’achèvement de l’ouvrage, tout en votant les crédits nécessaires à cet effet en temps utile. Il s’agit de réaliser, modifier ou adapter les voies de communication publiques et les systèmes publics d’assainissement des eaux usées et pluviales (art. 3C al. 1 LGZD).
Lorsque la commune ne s’exécute pas, la loi prévoit différentes voies pour permettre aux propriétaires de faire équiper leur terrain. Ils doivent ainsi, dans un premier temps, informer le département du territoire afin que celui-ci enjoigne la commune d’entamer les travaux d’équipement dans un délai de 6 mois. Puis, si la commune ne s’exécute pas dans ce délai, les propriétaires peuvent demander au département, soit que celui-ci procède aux travaux d’équipement, soit de leur permettre d’y procéder eux-mêmes (art. 3C al. 2 LGZD). Dans ces deux cas, les frais des travaux d’équipement peuvent être avancés par les propriétaires (art. 3C al. 3 LGZD).
3) Exigibilité et perception de la taxe d’équipement
Le règlement d’application de la LGZD prévoit que la taxation est effectuée sur la base d’un bordereau notifié suite à la délivrance d’une autorisation définitive de construire (art. 11B RGZD). Elle est collectée par le Fonds intercommunal d’équipement (art. 3B LGZD).
Une fois le bordereau de taxation notifié, la taxe devient exigible au plus tard lors de l’ouverture du chantier de construction découlant de l’autorisation de construire considérée, sauf indication contraire de la décision de taxation (art. 11C al. 1 RGZD).
En revanche, en cas de défaillance de la commune à remplir son obligation d’équiper, la taxe n’est exigible qu’à certaines conditions. Ainsi, la législation genevoise prévoit que si une commune faillit à équiper un terrain, une taxe ne devient exigible, pour autant qu’un propriétaire ait effectué l’avance des frais d’équipement nécessaires, qu’après l’achèvement des travaux d’équipement à charge de la commune et remboursement par la commune des avances de frais faites par le propriétaire, y compris les intérêts (art. 11C al. 2 RGZD).
Problématiques liées à la taxe d’équipement à Genève
La législation genevoise sur la taxe d’équipement et la pratique de l’administration en la matière ne sont pas sans poser quelques problèmes d’interprétation et d’application.
Il a été constaté par la Cour des comptes du canton, dans un rapport d’audit établi en 2012, que les montants encaissés dans le canton pour l’équipement des terrains en faveur des communes et non réclamés par ces dernières représentaient plus de 51 millions de francs, dont plus de 6 millions de francs pour la seule Ville de Genève. Il en découlait un risque financier ressortant de la taxation forfaitaire qui pouvait se manifester par une surfacturation ou par une sous-facturation par rapport aux travaux devant être effectués.
Dans la mesure où les fonds perçus par le biais de la taxe d’équipement n’étaient pas forcément réclamés par les communes, le Tribunal fédéral relevait un important risque de thésaurisation des contributions perçues, ce qui ressortait également du rapport de la Cour des comptes. Ce constat, que le Tribunal fédéral a examiné dans le cadre d’un arrêt rendu en 2015, a amené notre Haute Cour à considérer que le rapport en question laissait supposer que le principe de la couverture des frais était peut-être violé en matière de taxes d’équipement dans le canton et au niveau des communes.
Le Tribunal fédéral a également mis en lumière une absence de suivi financier qui rendait difficile la comparaison des revenus et des charges en matière d’équipement (Arrêt 2C_226/2015 du 13 décembre 2015, c. 5.2 et 5.3) et a rappelé que le contrôle du respect du principe de couverture des frais ne peut pas être fondé sur des affirmations générales, mais nécessite au contraire un examen concret des comptes de la collectivité concernée, et qu’il incombe à celle-ci d’établir comptablement qu’un tel principe est respecté.
Depuis cet arrêt, la législation a été modifiée pour arriver à sa teneur actuelle, entrée en vigueur le 1erjanvier 2017.
Pour autant, cette nouvelle législation n’a pas rendu obsolète l’arrêt de 2015. Au contraire, le Tribunal fédéral a rappelé, dans un arrêt rendu en octobre 2020, que la présomption posée dans l’arrêt de décembre 2015, selon laquelle le principe de la couverture des frais pourrait être violé à Genève en lien avec la taxe d’équipement, est toujours d’actualité. Une telle présomption reste valable à teneur de la législation actuelle et les autorités cantonales sont ainsi tenues de contrôler le respect du principe de couverture des frais en « procédant à un examen concret des postes de l’entité étatique considérée comme responsable de l’équipement et de son financement » dans chaque cas qui se présente à elles.
Conclusion
La législation relative à la taxe d’équipement dans le canton de Genève et le prélèvement de cette dernière par les autorités ont soulevé plusieurs problématiques, qui ont mis en évidence les difficultés liées au calcul du montant de la taxe. Les différentes interventions du Tribunal fédéral sur le sujet ont permis de rappeler les principes applicables en matière de taxe d’équipement et de définir les exigences minimums afin de calculer le montant de cette dernière.
Il en ressort que ces exigences sont particulièrement strictes et nécessitent que les autorités procèdent à un examen concret de chaque situation avant de prélever une taxe d’équipement. Cela devrait amener les contribuables à vérifier dans les détails le montant et le calcul de la taxe d’équipement lorsque celle-ci leur est réclamée.
L’Étude GVA law vous assiste et se tient à votre disposition pour toute question juridique relative à la taxe d’équipement.